René Descartes
Son célèbre Discours paraît en 1637. L'accueil qui lui est réservé plonge son auteur au cœur de polémiques épistolaires intenses, caractéristiques de l'Europe savante du XVIIe siècle. Suit une période féconde : Descartes publie, non sans se heurter à la censure, les Méditations sur la philosophie première, les Principes de la philosophie et, enfin, les Passions de l'âme, traité largement inspiré par sa correspondance avec la princesse Elisabeth, exilée en Suède. En 1649, sur l'invitation de la reine Christine de Suède, il se rend à Stockholm, où il meurt l'année suivante, victime d'un climat trop froid pour sa constitution délicate.
Trois exigences dirigent l'œuvre cartésienne : substituer à la science obscure du Moyen Age une physique aussi sûre que la mathématique ; en tirer des applications pratiques et morales capables de rendre l'homme " comme maître et possesseur de la nature ", et maître de ses passions ; enfin situer cette science de la nature par rapport à Dieu pour mettre fin au conflit de la raison et de la foi.
Sa méthode n'est pas tant un corps d'affirmations ou de démonstrations, qu'une série de moments intellectuels qui s'engendrent successivement. Le premier pas de cet itinéraire consiste à rompre une fois pour toutes avec l'ensemble de nos croyances, connaissances acquises sous l'égide d'une autorité autre que celle de notre esprit seul, qu'il s'agisse de nos sens ou de nos précepteurs. La méthode pour y parvenir est le doute qui, radicalisé grâce à l'hypothèse extrême d'un malin génie, trompeur en toutes choses, suspend notre adhésion aux plus fortes évidences, comme celle de l'existence de notre corps et du monde, ou encore celle des vérités mathématiques.
Cette épreuve aboutit à la découverte de la seule vérité indubitable : celle du cogito, c'est-à-dire du moi pensant. Car, en doutant, j'exerce une activité de penser que le doute ne peut récuser. Douter, c'est penser, et par conséquent affirmer la certitude de l'existence. Tant qu'il m'est possible de penser, je peux dire que je suis et que j'existe. Aussi le cogito cartésien propose-t-il le modèle d'une certitude sans faille, d'une connaissance absolument certaine, dont l'objet le plus évident est précisément la pensée, que Descartes définit comme étant plus aisément connaissable que le corps.
De cela résulte un dualisme entre l'âme et le corps, entre pensée et étendue. La fiction du malin génie, et la mise en doute de l'existence de ce qui m'entoure, ne sont alors plus utiles : la connaissance des corps est rétablie, non plus comme saisie confuse et empirique d'un amas de qualités sensibles, mais comme détermination rationnelle de l'étendue. Le dualisme ontologique est la traduction philosophique des débuts de la science moderne qui cherche à appréhender tous les corps sur le modèle de l'étendue, et à mathématiser la physique.
En revanche, l'union de l'âme et du corps en l'homme, différente d'une simple juxtaposition des deux substances, est une notion-limite. Pour la comprendre, Descartes détermine un lieu qui, dans le cerveau, unifie ces deux susbstances (la " glande pinéale "), et qui permette la conciliation des dimensions physique et métaphysique de sa philosophie.
Mais notre corps est un fait dont la raison ne peut rendre compte intégralement. Il s'agit désormais d'éduquer notre nature mixte afin d'instaurer et de garantir une correspondance entre l'âme et le corps. Ainsi Descartes rapproche-t-il la morale de la médecine afin d'établir la liste des principes nous permettant de faire cohabiter harmonieusement l'âme et le corps, eux qui sont par nature soumis aux aléas de l'existence.